La pièce d'Edwin Sanchez renconte un grand succès
Le triangle peut évoquer celui d'On ne badine pas avec
l'amour, mais en rose puisquesi à Perdican correspond Papo,
Camille devient Brian et Rosette Bobby dans cette pièce
très américaine où l'on trafique plus que
l'on badine, et dont le langage s'écarte un peu de Musset:
"putain d'enculé " s'avère en effet
statistiquement la locution vedette de ce texte concis et coloré,
devant "je vais te péter la rosette" (sans capitale
bien sûr) que talonne l'indispensable "fuck you ".
Faut dire qu'on est de nos jours à New York sur le tapin
de la 42e où Papo, le Portoricain qui aimerait tant n'être
que Ricain, michetonne. Il pêche Brian, l'avocat yuppie
qui aimerait tant ne pas être pédé,
avant de ramasser dans les réputées tartisses
de la capitainerie du port le petit Bobby, qui aimerait tant être
une épouse modèle qui porte des petites culottes
festonnées (dans
lesquelles il y a plus de place qu'on ne pourrait le croire).
Trafics amoureux, deuxième pièce de l'encore jeune
écrivain Edwin Sanchez, construit entre Papo et Brian une
relation qui vire du commercial à l'affectif en dépit
du refus de soi qui hante sans cesse le jeune avocat. En symétrie,
elle dessine entre ce bébé de Bobby et son Papo
qu'il appelle chéri une liaison de type possessif, immanquablement
fatale au plus faible. Les trois personnages sont fortement typés,
milieux et lieux sont croqués à gros traits: on
frise sans cesse la caricature sans jamais y tomber.
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De là sans doute le charme, un peu
vieillot tout de même bien qu'elle n'ait que douze ans d'âge,
d'une pièce qui préférerait probablement
avoir sur le spectateur un impact plus mordant.
Les personnages, - on le vérifie d'autant mieux que le
metteur en scène Gilles Laubert ne craint pas
les effets de poils -, ne manquent pas de corps: derrière
sa coquette mèche de cheveux, Bobby (le sensible Gilbert
Dagon) est une fontaine d'innocence, les fringues smart de Brian
(le sombre Thomas Laubacher) habillent un vertigineux désarroi,
et la brutalité de Papo (le grand, le beau, le fort Benjamin
Kraatz) ne dissimule que très mal l'âme d'un grand
sentimental.
Quant au metteur en scène, qui a également officié
comme traducteur, il travaille à la cravache. Mouvements
rapides, placements rigoureux, diction véloce, verbe haut
il installe un climat froid et sec où le désir lui-même
est glacé, et le plaisir congelé. Pas de miasmes,
pas d'humidité, pas de transpiration, pas de jus. Le sexe
n'a pas d'odeur. C'est une option. Elle a pour effet d'être
cohérente, et de se développer dans un décor
(de Gilles Lambert) vertical et suspendu, dont la beauté
formelle cadre fermement une action à laquelle l'ingéniosité
du dispositif - des loges au fond d'un plateau légèrement
incliné offre pourtant toutes les libertés.
4.9.2000
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