Le ciel est par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.

La cloche, dans le ciel qu'on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit
Chante sa plainte.

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur là
Vient de la ville.

Qu'as-tu fait, toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

P. Verlaine


Notes de mise en scène

On a dit de Nathalie Sarraute qu'elle était un peu le Marivaux de notre époque. Voltaire, pour qualifier le dramaturge du XVIIIème, dit que celui-ci [pesait] des œufs de mouches dans des toiles d'araignées.
On le sait maintenant, chez Marivaux, il y a aussi du Sade qu'un ton de marivaudage de comédie avait un peu masqué.

Un jeu à la française (au dit autrement parisien chic, avec une pointe boulevardière) avec ses facilités et son vernis, a édulcoré le théâtre de Sarraute. Il ne faut pourtant pas se laisser bercer par une apparente facilité du texte : sous la mélodie, l'ironie, sourdent des tempêtes, des violences et des frustrations.

Pour un oui pour un non est un pur objet de tragédie classique : unité de lieu, de temps et d'action, dénouement fatal. Et les personnages savent qu'ils se sont engagés dans de l'irréparable, qu'ils ont mis en marche une machine infernale et que sera broyée leur amitié, et pas seulement leur amitié, mais leur identité. La fin du règlement de compte c'est l'anéantissement : n'être plus rien.

La pièce semble se circonscrire au seul affrontement de H1 et H2 ; pourtant, apparaissent deux autres personnages (H3 & F) pour une courte scène. Or, cette scène n'est pas rien. C'est au cours de celle-ci que H2 sera proprement exécuté par ces deux figures énigmatiques. Et c'est H2 lui-même qui les aura convoquées. On pense ici au héros tragique qui est entraîné vers sa fin par sa propre volonté : il suffirait qu'il renonce à l'objet de sa quête pour que cesse la malédiction ; ou encore c'est le héros qui reconnaît que sa quête ne peut l'entraîner qu'à sa perte.

La citation du poème de Verlaine [Sagesse] n'est pas dans le texte de Sarraute un simple réfèrent culturel : les conditions dans lesquelles Verlaine a écrit ce texte (emprisonné il faisait un retour à Dieu), la chute même du poème (Dis qu'as-tu fait, toi de ta jeunesse), sont autant de pistes qui indiquent que Sarraute n'est pas auteure à laisser traîner des citations pour le seul plaisir de leur étalage. C'est, nous semble-t-il, là aussi un élément déterminant de la dramaturgie.


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Gilles Laubert : Auteur/Metteur en scène/Comédien