C'est à la fin du XIXe siècle
et au début du XXe que l'image cesse d'être pensée
en termes d'imitation des formes naturelles: séparant nettement
la vision du visible, les artistes ne cherchent plus à
représenter le monde mais à l'exprimer par équivalences
plastiques.
Peintre, graveur, dessinateur, décorateur
de théâtre, mais aussi écrivain et auteur
dramatique, Oskar Kokoschka [1886-1980] compte parmi les figures
les plus marquantes de l'art contemporain. Sa personnalité
est difficilement réductible à un courant artistique:
son uvre est en effet souvent cataloguée comme expressionniste
L'uvre gravé [1906-1923]
C'est au sein des Ateliers Viennois créés
en 1903 à Vienne par l'architecte Josef Hoffmann, le graphiste
Koloman Moser et le financier Fritz Waerndorfer et destinés
à rénover les Arts appliqués, qu'Oskar Kokoschka
aborde la gravure. Il réalise affiches, cartes
postales, illustrations... et privilégie la technique de
la lithographie. Cette technique souple, familière du dessin
convient bien à son tempérament spontané
où le geste graphique peut s'exprimer en toute liberté.
Peu séduit par la gravure sur cuivre, Kokoschka préfère
cette technique qui, loin de figer le trait, permet de traduire
le fugitif et le transitoire, comme le frémissement du
vivant, et de rendre compte aussi des hésitations du geste.
En cela, il s'inscrit "dans la lignée des rénovateurs
de la lithographie au XXème siècle, avec Otto Müller
et Emil Nolde ". Ses première lithographies restent
fidèles au style décoratif de l'Art Nouveau. A partir
de 1910, à Berlin, proche de la galerie et de la revue
d'avant-garde Der Sturm [La Tempête], Kokoschka s'oriente
vers un langage expressionniste d'une très grande violence.
Il refuse l'idéal de la beauté ornementale et recherche
le brut, le grinçant et même le cruel. L'Autoportrait
de 1910, visage grimaçant, rides profondes, rictus de douleur,
atteste ce bouleversement. Dans son uvre gravé, Kokoschka
met en évidence l'humain. Ses grands portraits, ceux de
Walter Hasenclever, dramaturge allemand, de Max Reinhardt ou d'Hermine
Körner, pour n'en citer que quelques-uns, témoignent
de sa quête du "visage intérieur ". Derrière
des traits physiques, Kokoschka explore "la psyché".
L'anecdote est banni, les visages sont déformés,
les yeux hallucinés pour traduire l'inquiétude,
la peur de la fin du monde.